Déni dévoilé

Durant les XVIe et XVIIe siècles, les flottes musulmanes qui dominaient alors la mer Méditerranée du Maroc à la Libye poursuivaient un trafic esclavagiste contre les populations de l'Europe du Sud. Cette traite s'ajoutait celles qui asservissaient depuis longtemps les peuples slaves d'Europe centrale et les peuples d'Afrique tropicale aux potentats turcs et arabes du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord. Des archives témoignent de l'importance des captures et de la gravité des exactions commises sur les populations chrétiennes d'Espagne, de France et d'Italie. La région d'Alger était alors le centre d'un commerce esclavagiste très important avec Salé (Maroc), Tunis et Tripoli. En 1544, 7 000 habitants de Naples ; en 1554, 6 000 habitants de Vieste en Italie ; en 1556, 4 000 habitants de Grenade en Espagne furent emmenés en captivité. Des témoignages écrits nombreux décrivent un phénomène de très grande ampleur. La prise de captifs s'accompagnait en outre de destructions, de pillages et de massacres sur le sol européen. Les raids faisaient fuir les populations en masse, contribuant à l'appauvrissement des régions côtières. En 1566, 6 000 Turcs et barbaresques prirent le contrôle de près de 1 300 kilomètres de la côte adriatique. Ce n'est qu'au début du XVIII siècle que les Italiens purent enfin s'opposer aux raids terrestres tandis que la piraterie maritime continua longtemps encore. Certains s'aventurèrent jusqu'en Islande où ils capturèrent près de 400 personnes. Même les flottes anglaises redoutaient les barbaresques et plusieurs équipages de la couronne furent emmenés en esclavage alors que la traite transatlantique avait cours. Les esclaves chrétiens et juifs des barbaresques et des Turcs étaient humiliés et maltraités, aucun code ne les protégeait. Le trafic d'esclaves donnait lieu à un commerce d'otages lorsque leur nombre était supérieur aux besoins en main d'œuvre. Encouragé par l'Église, des ordres de charité comme les Trinitaires italiens et les Mercedariens espagnols se consacraient à la libération des esclaves. Selon le professeur Davis entre 1530 et 1780 environ un million d'Européens ont été capturés et mis en esclavage par des musulmans à partir des côtes barbaresques, soit un nombre supérieur à celui des Africains transportés dans les Amériques (800 000). Il faut en outre se souvenir que cette dévastation prolongeait les exactions considérables qui avaient été perpétrées en Espagne et en France pendant des siècles alors que les armées musulmanes avaient conquis une partie de l’Europe.

Ce formidable oubli et déni de l’histoire européenne, résulte de plusieurs facteurs :
1/ Par leur résilience, les Européens sont parvenus à surmonter l’adversité et à imposer finalement leur suprématie culturelle et militaire au XIXème siècle. Ils ont mis un terme à la traite esclavagiste. Ils obérèrent alors le long épisode douloureux qu’ils subirent et cultivèrent la mémoire de leur supériorité.
2/ Les peuples africains ont refoulé de leur mémoire collective la traite endogène du continent et l’implication des leurs. Encouragés par un certain nombre d’Européens, ils ont mythifié la période précoloniale et n'ont pas affronté les causes culturelles de leur sous-développement mais se sont réfugiés dans une posture victimaire.
3/ Si les Africains ne dénoncent pas la traite arabo-musulmane génocidaire qu’ils ont subi c’est que la peur est toujours là. Depuis la décolonisation, l'Europe ne les protège plus tandis qu’elle s’offre en unique coupable et leur offre l’asile de sa prospérité.
4/ Aucun peuple islamisé n'a pas fait le travail de mémoire sur ses responsabilités historiques et les causes de son sous-développement chronique. La vérité mettrait en cause les fondements de son islamité et la légitimité d’un héritage résultant d'une soumission qui a occulté sa culture originelle.

Ces dénis ont favorisé la confusion devenue fréquente entre la période de la traite transatlantique et celle de la colonisation européenne dont beaucoup ignorent qu'elle mit un terme à la traite arabo-musulmane et à la traite endémique du continent africain.

Après la seconde guerre mondiale, les idées universalistes se sont imposées, portées par des théories politiques et sociales les plus invraisemblables et par un développement économique fulgurant. La prétention à une humanité libérée des sujétions communautaires et nationales a récusé la réalité de l'identité civilisationnelle des peuples européens et a dénoncé tout jugement comparatif des cultures. La notion de race qui recouvrait jadis des périmètres variables depuis le cercle familial jusqu'aux héritages communs des populations a été restreinte à sa dimension biologique, récusée puis proscrite afin de promouvoir la perception d'une humanité indifférenciée. La négation de la spécificité civilisationnelle européenne s'est accompagnée de la déconstruction de tous ses fondements sociaux, anthropologiques et spirituels. Cette vision a dévalorisé le regard de la société occidentale sur elle-même et transformé ses rapports avec l'étranger. Dès lors toute manifestation de fierté identitaire et culturelle européenne est devenue un symptôme de supériorité raciste tandis que les cultures étrangères gagnaient le droit de s'imposer et de célébrer leur communautarisme sous couvert de leur victimisation.

Afin de surmonter la contradiction que soulevait les difficultés de développement des peuples africains et la contradiction qu'elle portait à l'utopie mondialiste, les Européens se sont offerts comme seuls responsables. Les idéologies capitalistes et communistes et toutes leurs variantes libérales et gauchistes, malgré leur antagonisme radical sur le plan économique, ont alors assigné à l'Europe le sacrifice de son intégrité à travers ce que Renaud Camus a appelé le Grand remplacement.

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