Traites négrières

L’esclavage est un phénomène historique, culturel et économique ancien et complexe qui a touché à des degrés divers tous les peuples et tous les continents. La concurrence des mémoires a instrumentalisé le sujet pour servir des buts idéologiques, l’article vise à rétablir quelques faits pour rectifier un discours qui entretient des culpabilités et des victimisations collectives injustifiées.
L’effort suppose de distinguer dans l’histoire européenne la période de la traite transatlantique et la colonisation, une confusion à la source de nombreux malentendus.
Seuls les Européens ont reconnu leur responsabilité collective pour avoir pratiqué la traite esclavagiste dont ils ont eux-mêmes été victimes (cf. Esclaves chrétiens). Ni les Asiatiques, ni les Africains et ni les peuples islamisés comme les Arabes, les Berbères et les Turcs ne reconnaissent officiellement leurs responsabilités et ne formulent de culpabilisation collective. Les Européens sont tenus responsables pour ce qu’un petit nombre de leurs ancêtres ont pratiqué mais aussi fait cesser tandis que les Africains et les peuples islamisés refusent d’admettre leurs lourdes parts de responsabilité. Comme dans d’autres domaines, un courant de pensée européen très influent est parvenu à déformer la mémoire de l’histoire afin de servir son projet idéologique en écrivant un récit manichéen écartant la complexité du sujet. Les pouvoirs issus de la décolonisation ont joué sur les ressentiments contre l’ancien colonisateur pour s’exonérer de leurs responsabilités politiques. Comme le mensonge ne sert jamais durablement un bien, il a empêché l’intégration des populations d’origines africaines et musulmanes en Europe en attisant l’hostilité communautaire et entravé l’émancipation des peuples africains en cultivant une histoire mythifiée. Christiane Taubira, ministre de la justice français, expliquait en 2006: « Il ne faut pas trop évoquer la traite arabo-musulmane pour que les jeunes arabes ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des arabes ».
Il nous faut le redire : l’esclavage a été pratiqué depuis des temps immémoriaux mais différemment.
« L'esclavage est l'établissement d'un droit fondé sur la force, lequel droit rend un homme tellement propre à un autre homme qu'il est le maître absolu de sa vie, de ses biens et de sa liberté », écrivait le chevalier de Jaucourt dans l'Encyclopédie, en 1755. Les hommes qui en ont été victimes ont cherché à s’en libérer et certains très tôt dans l’histoire ont exprimé de doutes sur sa moralité. Chaque culture a suscité une interprétation qui a évolué mais c’est au sein de la civilisation chrétienne que son inhumanité été révélée et son abolition a été imposé.

Traite africaine
Les traites intérieures à l’Afrique ont existé dès la plus haute Antiquité. Selon l'historien anglais Patrick Manning elles auraient fait près de 14 millions de victimes. La réalité est cependant mal connue et peu étudiée. Le déni confine à l’imposture lorsque des populations africaines issues d’une culture esclavagiste revendique le statut de victime de l’esclavage. Le regard des Européens sur l’Afrique reste aveugle à la variété des conditions et des héritages comme il est souvent aveugle au nuancier des couleurs de peaux. À leur décharge, dans ce domaine comme dans d’autres, les Africains ne parviennent à aucune clarification.


Traite arabo-musulmane
Dès le VIIe siècle, l’empire musulman appuya son système social et économique sur la traite esclavagiste de captifs venus d’Europe méditerranéenne, du Caucase, d'Europe de l'Est et d'Asie centrale. Les Africains furent les plus nombreux parce que les plus vulnérables. L’islam justifia l'esclavage des Noirs en se référant à la malédiction de Cham fils maudit de Noé et à l’exemple du prophète Mahomet. Selon l'historien américain Ralph Austen et l’anthropologue franco-sénégalais Tidiane N’Diaye, 17 millions de personnes en auraient été victimes.
La traite négrière des musulmans en Afrique commence en 652 et dure 1312 ans. Le 22 décembre 640, soit 8 ans après la mort supposée de Mahomet, les musulmans prennent Alexandrie et toute l'Égypte byzantine en proie aux divisions entre chrétiens. À partir de cette implantation, ils traquent et capturent les populations situées plus au sud en suivant deux axes. En remontant le Nil, ils tentent en vain d'atteindre la Nubie mais contournent l’obstacle et implantent des comptoirs sur la côte orientale de l'Afrique. Ces comptoirs seront tous des sites de la traite négrière. En traversant le Sahara, ils chassent dans ce qu'ils appellent le pays des Sûdans dans le but d’implanter l'islam et de capturer hommes et femmes. L’entreprise a alors la dimension d’un génocide par sa durée, son importance, la mortalité extrême, la castration et les viols de masse. En Afrique à partir du XIe siècle, plusieurs royaumes musulmans sont créés qui alimentent la traite : le royaume du Ghana au sud de l’actuelle Mauritanie, le royaume des Songhaïs au sud de Gao sur le Niger dans l’actuel Mali puis le royaume du Mali qui absorbe le royaume du Ghana, le royaume du Kanem au nord et à l’est du lac Tchad qui s’étend au Bornou, sud du lac Tchad.
Cette traite a deux caractéristiques qui la distingue de la traite européenne : d’une part, elle était destinée à un emploi domestique au sein des sociétés musulmanes tandis que la quasi-totalité des Européens n’a jamais côtoyé d’esclaves africains en Europe ; d’autre part, la logique colonisatrice européenne favorisait le développement des populations africaines aux Amériques tandis que la traite islamique pratiquait la castration et les viols de masse avec une ampleur génocidaire.
Le mouvement d'émancipation des esclaves n'aurait jamais pu exister en islam, non seulement parce qu’Allah enseigne que les musulmans sont des hommes supérieurs (Coran 3.139), mais encore parce qu'il interdit explicitement l’abolition de l’esclavage (Coran 16.71).

Traite européenne
La traite européenne transatlantique en Afrique s’est appuyée les traites préexistantes. Selon Fernand Braudel (1902-1985) : « la traite négrière n'a pas été une invention diabolique de l'Europe ».
À partir du XVe siècle, Portugais et Espagnols organisèrent un transfert massif et continu de populations africaines dans leurs colonies des Amériques tandis que les autochtones s’avéraient insuffisants en nombre pour exploiter les champs et les mines des terres conquises. La quasi-totalité des esclaves étaient acheminés par des négriers africains jusqu'aux côtes. Le nombre de victimes totales est estimé à 11 millions. Le commerce connaît son apogée au XVIIIe, alors que la France, et surtout l'Angleterre exploitent leurs colonies des Caraïbes.
La dimension économique de cette pratique prévaut sur l’argument raciste. Dès le début du XVIIIe siècle, les esclavagistes noirs anciens esclaves affranchis représentaient environ 20% des propriétaires d'esclaves de Martinique (plus du tiers en 1848) et la moitié de ceux de Haïti, selon l'historien Marcel Dorigny.
Le trafic sera officiellement aboli au début du XIXe siècle et la colonisation européenne du continent africain fit peu à peu cesser par la contrainte la traite arabo-musulmane.

Références :
« Les Traites négrières » d'Olivier Pétré-Grenouilleau
« Le génocide voilé » de Tidiane N’Diaye
















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