Laïcité

Avis de deux essayistes sur le sujet:
Guillaume Bernard, historien du droit, politologue, enseignant à l’Institut Catholique d’Études Supérieures de La Roche-sur-Yon, affirme que « La laïcité est par nature incapable de lutter contre l’islam conquérant ». Odon Lafontaine, promoteur de la thèse du père Edouard-Marie Gallez sur les origines judéonazaréennes de l’islam, juge « La laïcité, mère porteuse de l’islam ». Nous relevons et résumons leurs arguments les plus forts.
Trois dérives philosophiques
Guillaume Bernard explique (citations partielles) que la laïcité qui prétend séparer l’Église de l’État, le spirituel du temporel, en reléguant la religion à la sphère privée n’a existé dans aucune société autre que celles de l’Europe christianisée. Si le christianisme distingue les domaines, il reconnait leur légitimité dans la sphère publique. « La laïcité est par nature incapable de lutter contre l’islam conquérant, puisque tous deux n’évoluent pas dans le même référentiel ». L’espace publique n’est pas neutre, il est imprégné de la spiritualité chrétienne. L’Église est en charge du salut des âmes tandis que l’État se consacre à organiser le bien-vivre. Trois évolutions philosophiques ont cependant fait dériver cette conception.
Au Ve siècle, saint Augustin (354-430) explique l’effondrement de l’Empire romain d’Occident par la défaillance d’une organisation politique qui ne construit pas la Cité de Dieu. L’exagération de cette idée, l’augustinisme, conduit le haut Moyen-Âge à promouvoir les questions morales sur le droit. Plus tard, dans le contexte des épreuves du XIVe siècle, le monde franciscain (saint François d’Assise) s’efforce d’appeler à la charité individuelle en affirmant la préséance des individus sur les entités collectives considérées comme des abstractions, c’est le nominalisme. Au XVIe siècle, au moment de la découverte du Nouveau Monde, la seconde scolastique espagnole va professer que les populations amérindiennes ont le droit d’être respectés au lieu d’insister sur le devoir des conquistadors de bien se comporter. Elle crée l’instrument du futur contrat social, en définissant le corps social comme une somme d’individus, et non comme quelque chose qui fonctionne par lui-même. Au XVIIe siècle, la consécration du contrat social rousseauiste puis des droits de l’homme va concevoir la société comme une entité virtuelle constituée par une communauté d’individus qui en acceptent les lois. Le devoir moral de bien se conduire vis-à-vis du prochain se transforme en obligation morale et législative vis-à-vis du lointain niant notre appartenance naturelle à un corps charnel à qui il doit préséance. Le champ social n’est plus qu’une addition de droits individuels qui entrent en compétition, la société devient multi conflictuelle.
Les trois dérives philosophiques du christianisme n’ont cependant aucune dimension dogmatique. L’alternative réside dans la conception classique du droit considéré comme extérieur à l’individu. Un droit attribué à la personne, c’est-à-dire au rôle, à la fonction occupée dans le corps social. Un individu, comme un corps social quel qu’il soit (corporation, nation, etc.), peut remplir plusieurs fonctions. À chacune de ces fonctions, sont attribués des droits. Par nature, cette conception classique est discriminante selon le principe de la justice : le rôle de l’enseignant n’est pas celui de l’élève, le rôle du père n’est pas celui de la mère, le rôle du propriétaire n’est pas celui du locataire, le rôle du roi n’est pas celui du sujet, le rôle de l’agresseur n’est pas celui de l’agressé, etc. Il y a donc des inégalités de fait puisque tout le monde ne remplit pas les mêmes rôles. Selon la vision classique, le corps social a une existence propre. Son rôle est de préserver le bien des parties et le bien du tout, et cela concomitamment. C’est la définition du bien commun. Et le tout vaut plus que la somme des parties. C’est ainsi qu’une nation englobe les vivants, mais également les défunts et les générations futures. Pour revenir à l’équilibre classique selon Guillaume Bernard, il faut aider le bon sens populaire à renouer avec l’ordre naturel, mais surtout sans chercher à le conquérir par des idées, des idéologies. Le discours doit être avant tout positif. Le discours multiculturaliste et immigrationniste du pape n’inaugure aucune nouvelle dérive philosophique mais prolonge les dérives antérieures, il n’affecte pas les vérités dogmatiques.
La laïcité résulte d'une longue dérive philosophique qui nie la nature du corps social et le conduit à sa dissolution. Conçue pour repousser la spiritualité chrétienne dans la sphère privée, la laïcité ouvre à l'islam l'espace dont elle a chassé le christianisme.

« La Laïcité, mère porteuse de l’islam ? »
Dans leur ouvrage, Michel Viot et Odon Lafontaine rappellent l’origine de l’idée de laïcité et analysent son évolution. Ils relèvent la malignité philosophique d’une Laïcité devenue un dogme aveugle à la réalité sociale et montrent que son messianisme est semblable à celui de l’islam et combien son rapport en est malsain. Ils proposent une issue à une confrontation qui s’annonce tragique.
La laïcité chrétienne distinguait le laïc du clerc, le temporel du spirituel, le politique du religieux. L’équilibre trouvé dans les rapports entre le pouvoir royal et le pouvoir ecclésiastique (les deux glaives) admettait leurs présences communes dans l’espace public : à l’un la conduite des intérêts matériels de la société, à l’autre la conduite spirituelle du corps social. Cet équilibre a été rompu. Au XVIIIe siècle l’idée humaniste portée par les Lumières a prétendu édifier un monde meilleur sur la libération des contraintes de la religion et la promotion de la raison. Au prétexte de la liberté et de l’ambition Voltaire s’est mis au service des puissants, au prétexte de la paix et de la justice Rousseau a théorisé le totalitarisme, au prétexte de la prospérité les penseurs anglais ont congédié les interdits catholiques pour faire émerger le capitalisme. Une vision dichotomique du monde s’est diffusée concevant un l’espace public réservé au monde de la connaissance et confinant les croyances à l’espace privé. Ni l’homme, ni le peuple ne fonctionnent ainsi, ils s’y sont soumis sous la contrainte. La révolution française a montré la violence et la tyrannie sous-jacente de l’idée républicaine en fondant le premier régime totalitaire de l’Occident moderne qui n’a eu de cesse de soumettre l’Église en cherchant à lui substituer son culte. Une catégorie de possédants et de puissants a promu un messianisme laïc fanatique pour servir ses ambitions matérielles, il a libéré des forces destructrices débouchant sur « l’exploitation de l’homme par l’homme » et sur deux totalitarismes prétendant forger un homme nouveau : le nazisme et le communisme. Les auteurs montrent la maturation de l’idée progressiste à travers le dévoiement de la doctrine catholique par le protestantisme et le jansénisme introduisant le concept de prédestination conduisant à l’autojustification de l’individu. Peu à peu affranchie de l’espérance chrétienne, la nouvelle espérance inspirée des Lumières s’est convaincue d’avoir trouvé la formule pour supprimer le mal en s’appuyant sur la croyance en la raison, en la science et au Progrès. Sa conviction n’a pas été tempérée par la sagesse ni le doute et jusqu’à aujourd’hui ne recule devant aucun moyen pour s’imposer. Voltaire avait donné le ton : « Le mensonge est un vice quand il fait le mal. C’est une très grande vertu quand il fait le bien. » ! Rousseau l’a exprimé avec plus de subtilité mais il en était convaincu : au nom du bien, tous les crimes sont possibles. Les Lumières portent l’avènement du totalitarisme de la pensée progressiste, de la logique libérale, de la gauche intellectuelle, de la Laïcité républicaine, de l’idée du sens de l’histoire. La haine contre le catholicisme continue d’être le carburant du messianisme laïc parce qu’il le reconnait comme sa seule opposition doctrinale.
Les auteurs visitent l’histoire de la confrontation entre l’esprit des Lumières et l’islam en montrant les bouleversements qu’il a engendré au sein de l’islam à travers ses tentatives réformistes et l’émergence du salafisme et du wahhabisme. L’Occident progressiste a instrumentalisé l’islam autant qu’il en est fasciné pour servir ses intérêts de puissance et ses intérêts financiers. Il a soutenu l’islamisation de l’Algérie, de l’Afrique noire et des Balkans puis armé des mouvements islamistes pour contrer le communisme dans le contexte de la guerre froide ou empêcher l’émergence de nations indépendantes comme en Égypte, en Iran, en Irak, en Libye, en Syrie. La géopolitique du pétrole et la géopolitique du jihad trouvent des connivences tragiques qui broient des populations et bâtissent des fortunes considérables. Le jeu s’est notamment traduit dans l’alliance forgée par l’Occident avec les pétromonarchies. Les messianismes progressistes et islamiques sont tout à la fois et tour à tour complices et concurrents, dupes et manipulateurs.
L’islam a sa dynamique fanatique propre qui dérive de ses origines et de sa théologie. L’origine judéonazaréenne explique ses fondements et son évolution. Le messianisme islamique se définit et trouve son unité dans l’opposition au judaïsme et au christianisme mais en même temps est traversé par des luttes fratricides puisque la promesse de son messianisme n’est jamais tenue et qu’elle suscite une éternelle surenchère entre les fidèles. En cela, il est semblable au progressisme parce qu’il est une idéologie de pouvoir forgée par le pouvoir. L’Occident croit pouvoir contrôler l’islam à son profit en assimilant par condescendance les musulmans au nouveau prolétariat, il ne peut admettre son espérance eschatologique comme il n’a pu admettre celle des chrétiens. Malgré des tragédies subies par les populations non-musulmanes dans le monde, il persiste dans son illusion. Le rêve progressiste comme le rêve islamique fait miroiter la possibilité du bien absolu, celui d’un monde sauvé du mal par le combat politique. Lorsque ce rêve en vient à investir totalement la conscience d’un homme, celui-ci se persuade qu’il constitue son humanité et que ceux qui ne le partagent pas sont hors de l’humanité. Toute morale et toute réalité sont envisagées à l’aune de son rêve et tout ce qui pourrait le remettre en cause est occulté, refoulé ou biaisé pour que le possédé ne doute pas de ce qui donne un sens sa vie.
L’illusion progressiste a fait émerger un boboïsme occidental incapable de percevoir le réel et les menaces qui viennent. Malgré l’urgence de la situation, la Laïcité et ses tabous cadenassent tout débat. Elle est figée dans son antichristianisme originel. Si les boboïstes cultivent une illusion idéologique sur le multiculturalisme et le vivre-ensemble, ils sont plus viscéralement attachés à leur hédonisme matérialiste.
Le progressisme pourrait faire volte-face et retrouver l’esprit de 1793 en transformant le choc de civilisation en embrasement général pour organiser des déportations et des populicides mais il est plus probable qu’il s’oriente vers sa soumission à l’islam.
En conclusion, les auteurs dénoncent les visions dichotomiques de l’islam et du progressisme qui appréhendent le monde en le divisant entre halal et haram, progrès et obscurantisme, camp du bien et camp du mal. Pour sortir de la logique de confrontation avec l’islam en Occident et notamment en France, ils suggèrent que l’État renonce à son messianisme idéologique et à la Laïcité au profit de la neutralité. La force publique organiserait les autorités morales, religieuses et philosophiques pour qu’elles réinvestissent l’espace public et incarnent le pouvoir spirituel afin de retrouver un équilibre semblable à celui que la royauté avait trouvé avec l’Église. Ils suggèrent que les musulmans de France soient contraints comme le furent les juifs par Napoléon à répondre à des questions afin d’invalider les fondements de la violence, de légitimer le pluralisme, garantir la liberté de conscience et de changer de religion. Au nom d’une neutralité responsable, l’État devrait tenir compte de l’héritage chrétien de la France. Le scénario suppose une transformation des mentalités. Il faudrait que le camp progressiste puisse se réconcilier avec le christianisme. La violence semble inéluctable cependant, seule l’espérance chrétienne laisse entrevoir aux auteurs une issue.


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