Les nouveaux Sadducéens

L’histoire est écrite par les vainqueurs mais il y a des degrés dans son altération. L’islam en est l’exemple dont le récit et l’œuvre falsifient l’histoire depuis 1400 ans. Ceux qui y sont soumis ne sont ni forcements menteurs, ni foncièrement mauvais, ils n’ont seulement ni liberté de conscience ni accès à la connaissance. S’ils gagnent l’une et l’autre, ils perdent le statut de musulman. Leur confrontation à l’Occident aurait pu leur ouvrir la voie à l’esprit critique mais celui-ci a renoncé à lui-même et les sociétés musulmanes sont fermées à la connaissance et à l’intelligence. L’errement relativiste et la prétention universaliste des Européens les conduisent à leur perte et ne peut sortir les musulmans de leur aliénation.
Des efforts sont entrepris pour reprendre l’exégèse historico-critique du récit et de la théologie islamique en attendant que la critique philosophique sorte de son endormissement sur le sujet. Nous y avons consacré des articles reprenant les travaux de chercheurs libérés de la doxa conformiste. L’effort est considérable car il affronte la forteresse idéologique bâtie par les tenants de l’ordre nouveau. C’est à cette forteresse que l’article s’attaque. Nous avons porté des premiers coups en exposant les impostures maçonniques, l’illusion universaliste et l’imposture laïciste, nous poursuivons en dénonçant les sophismes qui ont été à l’origine du reniement du christianisme dont nous avons la conviction qu’il est le pilier de la civilisation occidentale. Nous avons déjà trouvé le mobile de la haine fondamentale contre le catholicisme dans la trivialité de ses motivations sous-jacentes, il reste à renverser ses arguments qui se réclament de la raison.
Les inspirateurs de l’humanisme ont décrit le Moyen-âge comme obscurantiste en se qualifiant de la « Renaissance » et des « Lumières ». Au regard de l’histoire, de l’actualité et de la sagesse, peut-il y avoir un symptôme plus clair de perversion narcissique ?
Il faut reprendre leurs raisonnements et les confronter : leurs accusations se révèlent infondées, leurs démonstrations sont contestables. Puisqu’ils se sont érigés en juges et procureurs contre toute équité, il est temps de réviser les procès qu’ils ont instruit à charge, de contester leurs verdicts et faire valoir des dommages et intérêts. Les cyniques ricanent depuis le camp du bien car ils tiennent les leviers du pouvoir, ils lancent des anathèmes contre leurs objecteurs et gagnent l’opinion en flattant ses bas instincts mais leur édifice se fissure et des esprits libres travaillent à le ruiner.

1/L’enseignement de Jésus
2/Les premiers Sadducéens
3/Les nouveaux Sadducéens

L’enseignement de Jésus
La première leçon a été donnée par Jésus, il y a deux mille ans… Déjà, des cris de protestations s’élèvent et humanistes et progressistes se bouchent les oreilles. Ils ont accumulé titres académiques et brevets de moralité, ils sont abonnés à toutes les revues de la modernité mais n’ont pas ouvert les Évangiles. La haute considération qu’ils ont de leur science et de leur intelligence leur fait mépriser les fadaises de la religion ! Pourtant, leurs convictions s’élèvent comme un échafaudage de croyances servies par des maitres qui leur épargnent de penser. Ils ont fréquenté les universités du prêt-à-penser sur des textes choisis. Pourtant, s’ils prenaient la peine de lire l’Évangile, ils y découvriraient leurs précurseurs. Jamais avant le XVIIe siècle européen et dans le monde n’a existé de peuple avec une idéologique semblable à celle dont ils se réclament. Jugeons-en ! L’exposé s’appuie sur une exégèse réalisée par le Père Frédéric Guigain à partir d’une traduction de l’araméen. Dans Luc20.27-40, des certains Sadducéens posent à Jésus la question de la résurrection des corps, ce que l’on appelait alors le « relèvement » après la mort : Or des hommes s'approchèrent, parmi les Sadducéens - eux qui disent qu'il n'y a point de relèvement - et ils l'interrogèrent en lui disant : « Docteur ! Moïse nous a écrit : si d'un homme le frère meurt, auquel il y a une femme sans fils, son frère prendra sa femme et il relèvera debout une semence pour son frère. Il y avait sept frères. Le premier prit femme, et mourut sans fils. Et il l’a pris, le deuxième, sa femme, et celui-ci mourut sans fils. Et le troisième, encore, la prit. Et de la même façon, aussi jusqu'à leur septième. Et ils moururent et ne laissèrent pas de fils. Et mourut, à la fin, aussi la femme. Au relèvement, par conséquent, duquel, parmi eux, sera t’elle la femme ? Jusqu’à leur septième, en effet, ils l'ont prise. » Jésus leur dit : « Les fils de ce siècle-ci prennent femmes et les femmes sont aux gars. Or ceux qui ont été dignes de ce siècle là et du Relèvement de chez les morts, ni ils ne prennent femmes ni non plus les femmes ne sont aux gars. Ni non plus, en effet, encore, sont-ils capables de mourir, ils sont comme les anges en effet. Et ils ont leur existence comme Fils de Dieu ; parce qu'ils furent fils du Relèvement ! Que les morts se relèvent debout, toutefois, Moïse aussi l’a exposé. Il fait s'en souvenir, en effet, au buisson, en disant : le Dieu d'Abraham et le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob… Dieu, donc, ne fut pas celui des morts mais des vivants ! Tous en effet, sont vivants pour lui ! » Et des hommes répondirent de parmi les scribes conteurs en lui disant : « Docteur, tu as bellement parlé ! » et n'osèrent plus l'interroger encore sur quoi que ce soit.

Les premiers Sadducéens
Les Sadducéens sont une énigme dans le judaïsme et dans l’histoire. Ce que nous savons de leurs convictions tient à ce qu’en disent les Évangiles, à ce qu’en a écrit Flavius Joseph et ce que rapporte le Talmud. Membres de la classe sacerdotale, les Sadducéens sont en conflit doctrinal et politique avec les Pharisiens au sein du Sanhédrin qu’ils avaient probablement jadis contrôlé. Ils refusent l’idée de résurrection, face aux Pharisiens qui croient en l’immortalité de l’âme et en la résurrection des « bons », ils soutiennent qu’il n’y a rien après la mort. Pour eux l’âme disparaît, il n’y a pas d’autre monde, il n’y a pas de destin, l’homme a le libre choix du bien et du mal durant sa vie, après la mort, tout est fini et par conséquent il n’existe pas de système de rétribution éternelle. Ils rejettent la tradition orale et ne veulent s’en tenir qu’à la Torah de Moïse débarrassée des écrits prophétiques et de l’histoire d’Israël. Nous verrons que cette vision récuse implicitement l’histoire et la filiation. Avant l’époque moderne, aucun peuple du monde n’est connu pour avoir nié l’existence d’une subsistance après la mort. Le Sadducéen est le prototype de « l’athée moyen » si commun dans l’Occident postchrétien. C’est à ce titre que sa confrontation à Jésus préfigure celle que les humanistes engageront contre l’Église.
Dans leur argumentation, les Sadducéens s’appuient sur un verset de Moïse qui commande au frère du défunt de « relever sa semence » en épousant sa veuve. Ils poussent le raisonnement pour démontrer l’absurdité d’une résurrection après la mort en la considérant comme la continuation de la vie terrestre et en réduisant le mariage à l’acte de procréation. Ils commettent une première erreur en cherchant à emporter la dispute en mettant les rieurs de leur côté mais font seulement la démonstration de leur ignorance du véritable sens du Lévirat. Ils en commettent une deuxième parce qu’ils ne saisissent pas l’enjeu sous-jacent à la résurrection. Ils prennent le problème par le petit bout : la résurrection est liée à l’alliance passée entre Dieu et l’humanité. C'est parce que Dieu a fait des promesses qu'alors le monde entier doit être restauré pour l’accomplissement de ses promesses qui s’inscrivent dans l’histoire de l’humanité. Dieu a parlé dans l'histoire et donc c'est toute l'histoire qui doit entrer dans l'éternité. L'histoire est sainte, elle est donc éternelle dans ces étapes fondatrices et c'est parce que Dieu intervient dans l'histoire que toute l'histoire doit participer de l'éternité de Dieu. Voilà le nœud de la foi en la résurrection des corps que défendent les Pharisiens et voilà ce contre quoi les Sadducéens se dressent, élaborant une sorte de religion anhistorique, sans intervention de Dieu ici-bas et sans avenir au-delà.
Jésus clôt la controverse des Sadducéens sur les élucubrations pseudo-réalises des Pharisiens en confirmant l’existence d’un au-delà habité par des défunts ressuscités dans un état de métamorphose semblable à celui des anges. Préservés de la corruption et de la mort, les ressuscités devenus incapables de mourir n’ont plus de relations charnelles. L’humanité est comme revenue à l’état d’Adam et Eve dans l’Eden, ce qui n’exclut pas la possibilité d’une sexualité… Jésus ajoute une révélation encore plus stupéfiante : Et ils ont leur existence comme Fils de Dieu ; parce qu'ils furent fils du Relèvement ! Les ressuscités sont dans cet état parce qu'ils ont participé en eux-mêmes au mystère de la Résurrection. Jésus anticipe là sur sa propre résurrection. En ressuscitant corps et âme, Jésus ressuscite dans l'intégralité de son humanité donnant le gage que les hommes ressusciteront corporellement et charnellement pour entrer dans un état analogue à ceux des anges où il n'y a ni union charnelle et ni mort. La formule fait aussi le lien entre la résurrection et la filiation. La dignité de fils de Dieu fonde la dignité de fils de l’homme et donc la dignité filiale. Jésus rappelle les Sadducéens au sens du Lévirat : les frères donnent une descendance au premier des leurs défunt, leur participation biologique n’évince pas sa filiation, le but ultime du mariage. La résurrection en tant que relèvement intégral de l'humanité est ordonné au mystère de la filiation et la filiation à la sacralité du mariage. Le Christ sacralise la Filiation par sa Divinité en nous ouvrant à la toute-puissance de Dieu et en nous rappelant les promesses de l’Histoire, dont celle de notre propre résurrection.
Les Sadducéens sont entrés en controverse avec Jésus parce qu’ils refusent de croire que le monde puisse faire l'objet d'un Relèvement : il n'a pas d'histoire et donc il n'a pas à être récupéré dans un salut. Les Sadducéens de l’époque avaient compris la leçon de Jésus et étaient sortis de l’histoire mais leurs idées ont attendu qu’une génération trouve dans l’Europe du XVIIIe siècle les conditions favorables à leur retour. Nous en sommes là. C’est le credo humanisme et matérialiste : l’homme a le libre choix du bien et du mal, après la mort, tout est fini, le monde n'a pas de destin, il est non-sens et il n'a pas à être relevé ni sauvé, il n’y a pas de providence, seul règne le chaos des choix humains, le présent n’a pas d'histoire, il n’y a pas d’avenir ni non plus, il n'y a pas d'éternité. L’homme n’a devant lui ni avenir, ni espoir de résurrection. Nous l’avons dit ailleurs, il ne faut pas être dupe de l’argument rationaliste. La formule libère tous les désirs, tous les délires et tous les crimes, elle congédie la conscience morale et convient aux puissants dont la loi trace l’histoire à leur profit. L’alibi du peuple souverain ne tient plus. Ils croient lui trouver un sens en sacralisant le progrès mais ce « sens de l’histoire » ne mène nulle part.

L’héritage sadducéen
Les traits portés contre l’Église prennent généralement le même biais que celle des Sadducéens face à Jésus : leur argumentation caricaturale ne perçoit pas les enjeux philosophiques. Pour ruiner l’institution ecclésiale, ceux qui se prétendent du droit et de la raison dénoncent les travers des chrétiens mais ignorent leur héroïsme, ils ne comptent pas les crimes des leurs et leurs lâchetés. Ils ramènent le public à la trivialité de sa condition mais ne l’élève pas aux idées. C’est une argumentation de comptoir qui cherche à gagner les rieurs en flattant leur vulgarité. Le peuple n’a jamais été tant méprisé depuis que l’on prétend gouverner en son nom.
Voltaire décoche : « Un gueux qu’on aura fait prêtre, un moine sortant des bras d’une prostituée, vient pour douze sous, revêtu d’un habit de comédien, me marmotter dans une langue étrangère ce que vous appelez une messe, fendre l’air en quatre avec trois doigts, se courber, se redresser, tourner à droite et à gauche, par devant et par derrière, et faire autant de dieux qu’il lui plaît, les boire et les manger, et les rendre ensuite à son pot de chambre ! »[1] La formule ravit les libertins et comble d’aise les humanistes, aujourd’hui encore barons et laquais de la République continuent de s’en gausser. Il leur aura pourtant fallu jouer du tranchoir pour rallier par la terreur les braves qui percevaient l’injure faite à ce pourquoi tant des leurs avaient donné leurs vies pendant des siècles. Le sang des catholiques a coulé abondamment au Mexique, en Russie et en Chine à l’exemple de ce qui c’était fait en France et dans le monde depuis le Moyen-Orient. Le bon élève de la République récite sa leçon sur une Inquisition espagnole qui condamna 3000 personnes en 3 siècles ignorant que la Révolution en fit périr 40 000 sans procès. Il se tape sur le ventre en pissant sur les autels et en renversant des crèches mais rampe devant les fous d’Allah. Il y aurait des monceaux d’ordures à évacuer des consciences laïcardes et progressistes pour qu’elles puissent seulement approcher la profondeur et la subtilité du sacerdoce et du sacrifice, de la Trinité et de la transsubstantiation, de l’Incarnation et de la Rédemption. Leur pauvreté spirituelle se double d’une présomption imbécile en croyant que les sectateurs de Mahomet partagent ou rallieraient leur projet. Leur lâcheté trouve le prétexte de la tolérance pour s’interdire de plaisanter sur leur gymnastique et invoque l’alibi du relativisme pour s’épargner de comprendre les fondements d’une croyance qui fabrique des déséquilibrés.
Hélas, plutôt que de s’inspirer du génie de Pascal, l’esprit français s’est abandonné à Descartes et Voltaire, l’esprit de système et l’empire de la concupiscence. Son esprit de finesse malgré le sursaut romantique était sans vitalité quand le baiser germanique l’a suffoqué. L’âme allemande torturée diffusa un poison qui allaient conduire l’Europe au suicide. Son génie malfaisant continue toujours d’empoisonner les pensées. Son érudition hautaine et desséchée a faussé le regard sur l’islam et dévitalisé le génie du christianisme. L’extraordinaire richesse des traditions qui avaient nourri la foi populaire en Europe a été jetée aux ordures par une Église qui se ralliait au rationalisme moderniste. Avec une rage révolutionnaire, les héritiers de Luther ont détruit l’héritage des siècles. Des clercs ont été à l’avant-garde de l’entreprise de démolition. Comme la Révolution avait trouvé les abbés Sieyès et Grégoire pour renverser la royauté du Christ sur la France, il se trouva un Louis Duchesne pour faire triompher un historicisme savant méprisant les traditions orales et préférer les copies grecques aux originaux araméens. La filiation entre Sadducéens et gnostiques, protestants, marxistes et progressistes serait-elle caïnite ?






[1] « Le Dîner du comte de Boulainvilliers », Voltaire, 1767

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