Algérie française

L’issue de la colonisation française de l’Algérie est un tournant du renoncement de la République à l’héritage de la France. L'entreprise a été d’abord une œuvre de pacification mettant fin à plus d’un millénaire de prédations puis une œuvre de civilisation. Elle prit les moyens et les mesures d’une puissance pour gouverner une population arriérée et hostile soumise à l'invasion arabe, à des potentats locaux et à la férule turque. Elle y parvient remarquablement mais incomplètement et venait trop tard : l’âme française était affaiblie par le reniement d’une partie d’elle-même et par plus d’un siècle de conflits terribles. En apostasiant sa christianité, la République avait renoncé à l’héritage de la France, elle ne convertit pas les populations et se condamna à ne rien comprendre de l’hostilité fondamentale de l’islam. Son entreprise était vouée à une épreuve de force continue comme tous les pouvoirs séculiers en pays musulmans mais elle n’avait plus la volonté de la mettre en œuvre. L’épreuve de la seconde guerre mondiale et l’influence des idées marxistes avaient suscité une pensée déconstructive et dénationale qui l’entrainait au renoncement. La culpabilisation allait contaminer toute la conscience nationale et toute la lecture de l’histoire et de l’action politique. La gauche parvint à imposer un récit exclusivement à charge contre l’action française en Algérie et dans le monde. Ses mensonges allaient précipiter le déclin moral de la Nation et travailler à la désagrégation de sa cohésion. Ils confortaient les populations musulmanes dans le déni de leurs responsabilités et le ressentiment contre ceux qui le leur révélaient, ils accablaient les Français d’une culpabilité inexpiable qui condamnerait toute réconciliation. Jamais dans l’histoire, un peuple travailla aussi résolument à déconsidérer l’œuvre des siens et à se ranger aux côtés de leurs ennemis. Des deux côtés de la Méditerranée, des hommes ont cherché à rétablir la vérité mais la sourdine idéologique les rend presque inaudibles. 

Cet article n'énonce pas le dernier mot sur la question mais soulève le doute sur une histoire falsifiée qui compromet l’avenir de la Nation. Il ne vise pas à rouvrir le conflit mais à le terminer car il dure encore. Il écarte les critiques morales et anachroniques et se place dans une perspective historique de civilisation.
La trahison des Français d’Algérie n’a pas reçu réparation, des traitres n’ont pas été jugés, les Français continuent à être trompés, les Algériens n’ont pas la vérité. Les échanges entre les deux pays sont si dissymétriques qu’ils entretiennent une relation sadomasochiste qui continue à creuser la haine et mettre en danger les Français.

Face au sort cruel qui frappa les Français d’Algérie et ceux qui furent fidèles à la France, la demande de justice n’interpelle pas d’abord les assassins fanatiques dont on ne pouvait attendre mieux mais ces Français qui collaborèrent à leurs crimes. Pour ceux-là la justice n’est pas passée, ils ont eu des protecteurs au sommet de l’État, des hommes qui ont trahi les leurs. Une autre catégorie de Français n’a pas rendu des comptes de sa lâcheté, celle des indifférents et des ralliés au sens de l’histoire. Ce sont des frères, des cousins, des voisins, des citoyens qui se sont gaussés et se gaussent des pieds-noirs et des harkis en récitant l’histoire falsifiée qui les accable et glorifie leurs bourreaux. On les rencontre aujourd’hui ahuris devant la haine et la violence des Algériens qui immigrent en France déterminés à imposer leur loi et à qui ils trouvent encore l’excuse de la colonisation. Il n’a pas existé dans l’histoire de peuple plus stupide, plus lâche et plus traitre aux siens que cette génération. Soixante ans après, la catharsis n’a pas commencé tandis qu’un nouveau supplice s’annonce pour leurs enfants.

Chronologie sur un fil
1. La France a conquis Alger en 1830 après un long contentieux sur la piraterie maritime et d’obscurs motifs financiers et diplomatiques, sans intention d’en faire une colonie.
2. La France n'a pas envahi un pays libre mais une province de l'Empire Ottoman qui avait conquis le Maghreb trois siècles plus tôt et soumis les tribus arabes et berbères.
3. Le territoire ne possédait ni route, ni école, la population était misérable et analphabète, la mortalité infantile atteignait 50%, l'agriculture nourrissait à peine la population.
4. Les Turcs avaient longtemps encouragé la piraterie, les barbaresques écumaient la Méditerranée en quête de butins et de captifs pour alimenter les harems et les marchés aux esclaves.
5. La France a créé l’Algérie en réunissant des tribus éparses et divisées, elle lui a donné son nom par le décret Schneider de1838, elle a soutenu la religion musulmane, construit des mosquées et rétribué les imams.
6. La France a scolarisé le pays en construisant des milliers d'écoles, une cinquantaine de lycées et quatre facultés, elle a soigné la population en formant des médecins et en bâtissant 138 hôpitaux et des centaines de dispensaires.
7. La France a construit une infrastructure moderne avec 5 aéroports, 23 ports, 4500 km de voies ferrées et 54 000 km de routes.
8. La France a créé une industrie chimique, métallurgique, alimentaire, elle a construit des usines, des barrages, 4 centrales thermiques et mis en valeur le pétrole et le gaz sahariens qui rapportent aujourd'hui à l'Algérie 95% de ses recettes.
9. La France a développé l'irrigation, l'agriculture et asséché les marécages, en particulier ceux de la Mitidja devenue la plaine la plus fertile de l'Algérie.
10. Crime contre l’humanité ? En 1830, il y avait 1 million d’habitants ; en 1962, il y avait 12 millions d’habitants !
11. La France ne s’est pas enrichie sur l’Algérie ; en 1959, le département lui coûtait 20 % de son produit intérieur brut. Alger était plus équipé que la plupart des villes de métropole.

Colonisation laïque et indépendance islamique
Après la pacification des côtes barbaresques ordonnée par Charles X, la France après la perte de l’Alsace-Lorraine s’engage dans la colonisation de l’Afrique du Nord en se laissant entrainer dans la course aux colonies avec l’Angleterre notamment. Le maréchal Bugeaud dans ce qui deviendra l’Algérie par un décret de 1838 met en place les bureaux arabes pour servir d’intermédiaire entre l’administration coloniale et les indigènes. Ces bureaux s’efforcent de mieux connaitre la réalité locale et de contrôler une société tribale et un islam confrérique prompt à la révolte. Si au Maroc, le maréchal Lyautey, à la façon des Anglais, s’appuie sur les structures traditionnelles, en Algérie ce sont les idées issues des Lumières qui inspirent la politique coloniale. Dans un premier temps, conformément aux instructions du gouvernement de Louis-Philippe toute entreprise de conversion des musulmans est interdite. Après la reddition de l’émir Abd el-Kader en 1847, la Monarchie de Juillet autorise la création du diocèse d’Alger. Les autorités envisagent avec condescendance d’utiliser le christianisme pour inculquer aux indigènes le « bonne vieille morale de nos pères ». Les missionnaires se heurtent cependant à l’anticléricalisme de l’administration et des fonctionnaires mais des œuvres d’apostolat et de charité se développent. Conformément à la vision des Lumières soumettant la religion pour l’instrumentaliser, l’islam est placé sous contrôle, son culte et ces célébrations sont encadrées, écoles coraniques et mosquées construites, imams et mufti fonctionnarisés, Corans imprimés et pèlerinages à La Mecque organisés et financés. Paradoxalement, alors que l’hystérie anticléricale se développe en métropole débouchant sur la loi de séparation de l’Église et de l’État, l’Algérie a un régime dérogatoire en faveur de l’islam. On utilise même l’islam pour pacifier une Kabylie restée rebelle à l’ordre colonial et à l’ordre islamique. L’administration française sous l’influence des loges maçonniques et laïques réserve presque toujours sa bienveillance et son appui à l’islam. Comme l’exprime un évêque en 1958, en Afrique noire : « Elle a imposé des chefs musulmans à des groupements animistes ; elle leur a donné des instituteurs musulmans, des infirmiers musulmans, des fonctionnaires musulmans, tout un encadrement auquel s’ajoute, en son temps, l’encadrement militaire qui place généralement les recrues animistes sous l’autorité de gradés musulmans. Elle a introduit des marabouts dans ces mêmes populations. Elle a fait rendre la justice selon le Coran entre deux parties païennes. »
En Algérie, la mise sous tutelle de l’islam qui visait à se concilier et contrôler les musulmans les révolta lorsqu’ils furent travaillés par le salafisme. Le combat indépendantiste se nourrit de leur humiliation d’être dominés par des infidèles, les kouffar. Le FLN qui finit par s’imposer sur tous les autres mouvements avait des cadres inspirés par le communisme et le socialisme athée mais ses combattants égorgeaient et mutilaient au nom d’Allah. Dès l’indépendance, le régime chassa les marxistes de ses rangs et entreprit une politique d’arabisation et d’islamisation du pays.
Au moment où la République tente à nouveau d’édifier et de contrôler un « islam de France », le souvenir de cette tragédie est oublié. Les socialistes et communistes qui soutinrent les partis indépendantistes jusque dans leurs actions terroristes renoncèrent à défendre la libération de la femme et les libertés démocratiques comme ils le prétendaient mais contribuèrent à aliéner les peuples à des régimes tyranniques et à la loi islamique. Alors qu’une grande partie de la population exprimait sa fidélité à la France, ils lui tournèrent le dos tandis qu’elle subissait la terreur des rebelles. Le schéma se répéta en Asie et en Amérique du Sud sans aucun scrupule, au nom du sens de l’histoire. Leurs héritiers ont aujourd’hui la même attitude vis-à-vis des populations immigrées, méprisant ceux qui témoignent de leur adhésion à la culture française et flattant ceux qui la rejettent. Déjà, les islamistes ont infiltré toutes les structures de l’islam en Europe avec l’appui des États européens, musulmans « modernistes » et ex-musulmans sont délibérément marginalisés. Plus les progressistes victimisent et flattent l’islam, plus les musulmans expriment leur ressentiment et leur refus d’assimiler la culture européenne. Comme lors de la guerre d’Algérie, la multiplication des violences et des attentats radicalise les musulmans et enferme les progressistes dans le déni de la tragédie qui se prépare.

Vérités interdites
Entretien avec Arnaud Folch réalisé le 30 octobre 2019 par Nicolas Gauthier
© Copyright 2019 Boulevard Voltaire
Vous venez de consacrer votre dernier hors-série de Valeurs actuelles aux « vérités interdites » sur l’Algérie française. Près de 60 ans après l’indépendance, il y a encore des « vérités interdites » ?
Qui sait que le FLN – toujours au pouvoir en Algérie – a massacré plus de 200.000 pieds-noirs et harkis, de 1954 à la fin 1962, dont la plus grande partie après les accords d’Évian ? Qu’il s’est rendu coupable d’effroyables exactions et tortures de masse, notamment à l’encontre de la population musulmane qu’il prétendait vouloir « libérer » ? Qui se souvient que Paris a vécu, durant la guerre d’Algérie, une vague de meurtres et d’attentats sans précédent dans son histoire – entre 6.000 et 7.000 morts ? Qui ose rappeler que la quasi-totalité des chefs de l’OAS et des personnalités pro-Algérie française furent d’authentiques résistants de la première heure en 1940 ? La première des vérités interdites, qui englobe toutes celles que nous traitons, c’est que nous vivons, depuis 57 ans, sous le joug d’une vérité officielle qui n’est autre qu’un gigantesque mensonge d’État.

Vous parlez de tortures et d’exactions du FLN, apportez-vous des preuves ?
Nous reproduisons plusieurs dizaines de documents classés « confidentiel » et « secret défense » qui l’attestent. Certains révèlent des faits ahurissants qui, lorsqu’ils étaient évoqués, étaient systématiquement niés, tels ces Françaises envoyées dans les bordels d’abattage du FLN ou ces prisonniers utilisés comme « réservoir à sang », jusqu’à leur mort, pour les soldats de l’armée de la pseudo « libération ». Mais nous révélons aussi les incroyables complicités dont les terroristes ont bénéficié du côté du pouvoir, à Paris : l’action meurtrière des barbouzes, la quasi-impunité des « porteurs de valise », tous libérés après les accords d’Évian, l’interdiction faite à la Croix-Rouge par Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes du général de Gaulle, de visiter les camps de détention d’Européens tenus par le FLN, ou encore ces cas de civils français échappés des geôles ennemies et rendus à leurs bourreaux…

L’armée française – cela est avéré – s’est aussi rendue responsables d’actes de torture…
Certes, pour autant, il faut, là aussi, rétablir la vérité : cela fut sans commune mesure avec le nombre et la barbarie des exactions du FLN. Comme l’a reconnu plus tard le très gaulliste général Massu, « il y avait des risques et des accidents se sont produits. Mais ce n’était tout de même qu’une pression physique, même violente, utilisée pour le renseignement immédiat et ne dégradant pas l’individu. » Rien à voir avec les abominations du FLN dont témoignent les documents que nous publions : infanticides, viols collectifs, émasculation, corps déchiquetés, yeux crevés…

Vous consacrez un article aux « guillotinés de Mitterrand »…
C’est un autre tabou français. Interrogez les Français sur Mitterrand et la peine de mort, immédiatement, on vous répondra : 1981, Badinter et l’abolition. Or, le même Mitterrand, ministre de la Justice, de juin 1956 à mai 1957, s’est montré à cette époque l’un des plus farouches partisans des exécutions capitales. Sur les 45 peines de mort à l’encontre de terroristes FLN qu’il a eu à « traiter » durant cette période, il ne s’est prononcé en faveur de la clémence qu’à huit reprises ! C’est à lui, notamment, que l’on doit l’exécution du communiste Fernand Iveton, devenu depuis, avec Maurice Audin et quelques autres, l’une des icônes de la repentance…

D’où vient, sur la guerre d’Algérie, cette omerta que vous dénoncez ?
Du postulat de base, imposé par la doxa gaulliste, puis propagé ensuite par les médias bien-pensants et l’esprit de repentance : les Français d’Algérie – une terre qui a pourtant été française bien avant Nice et la Savoie ! – sont coupables, forcément coupables ; et le FLN victime, forcément victime. Au nom de la « raison d’État », non seulement le pouvoir a laissé faire les massacres, mais il les a souvent cautionnés. Tout un symbole : le général Katz, qui a laissé tuer plus de 700 pieds-noirs à Oran, le 5 juillet 1962, a été décoré un mois plus tard, par le ministre des Armées Pierre Messmer en personne, de la croix de la Valeur militaire avant d’être promu général quatre, et cinq étoiles. Puis, dans les années 70, d’être élu conseiller général de l’Allier sous l’étiquette gaulliste…


Torture en Algérie
Jean-Pax Méfret répond :
Oui, comme l’a confirmé Emmanuel Macron, Maurice Audin, 25 ans, est mort à Alger, le 21 juin 1957, au cours d’un interrogatoire conduit, sous la torture, par un officier de la 10e division parachutiste. Mais, notre président de la République aurait pu préciser que, depuis le 7 janvier 1957, les militaires agissaient en toute liberté, forts des pouvoirs de police que leur avait octroyés le gouvernement socialiste, avec l’accord des communistes, pour mener la bataille d’Alger contre le Front de libération nationale. « L’Algérie, c’est la France ! », tonnait déjà, aux premiers signes de rébellion, le jeune ministre de l’Intérieur François Mitterrand.
La population européenne vivait dans une angoisse collective. Une terreur permanente. Le FLN tuait au hasard. À la grenade, au pistolet, au couteau, au rasoir. Dans la rue, sur les plages, aux terrasses des brasseries. L’attentat déjoué, en novembre 1956, contre l’usine à gaz d’Alger où un militant communiste s’apprêtait à déposer une bombe à retardement avait fait prendre conscience aux autorités que le terrorisme était désormais partout. D’où cet appel à l’armée et les excès qui ont pu en résulter.
Macron n’a pas dit, non plus, que le jeune Audin, fils de gendarme, ancien enfant de troupe devenu brillant mathématicien et père de trois enfants, était membre du Parti communiste algérien et qu’il participait activement aux réseaux de soutien des terroristes dont les bombes — fabriquées par des militants de ce sinistre PCA — ensanglantaient la ville. Quelques jours avant son arrestation, des attentats avaient fait 10 tués et 80 blessés, dont une majorité d’enfants, à des arrêts d’autobus, et 8 morts et 92 blessés au casino de la Corniche, un dancing de Bab el-Oued, surtout fréquenté par la jeunesse juive d’Alger. Audin avait contribué à l’exfiltration du responsable du carnage. Le militant communiste avait choisi le camp des ennemis de la France. Il méritait un jugement sévère. Mais sûrement pas cette mort expéditive longtemps enfouie dans les poubelles de l’histoire de cette guerre d’Algérie dont Emmanuel Macron semble oublier les principales victimes : les pieds-noirs et les harkis.
Avant le terrible exode de l’été 1962, les Français d’Algérie ont connu, eux aussi, les fouilles dégradantes, les perquisitions sauvages, les arrestations arbitraires, les camps d’internement, les interrogatoires musclés, les tortures. Dans les derniers mois de l’Algérie française, la caserne de la gendarmerie mobile, aux Tagarins, sur les hauteurs d’Alger, était devenue un centre clandestin d’interrogatoire de suspects arrêtés dans la lutte anti-OAS. Sous l’autorité du colonel Debrosse, gendarmes mobiles, policiers ou barbouzes venus de Paris y pratiquaient la question poussée à l’extrême. Des femmes, des hommes, sympathisants de l’Algérie française, furent martyrisés aux Tagarins par des représentants de l’autorité française qui reprenaient les méthodes utilisées contre certains terroristes du FLN pendant la bataille d’Alger. Mais cette fois, il ne s’agissait pas de savoir où étaient les bombes qui pouvaient à tout instant déclencher des massacres. Aucun de ces détenus n’était soupçonné, et encore moins coupable, de crimes de sang. Ils étaient retenus illégalement. Jusqu’aux aveux ou jusqu’à l’agonie.
Geneviève Salasc, 36 ans, épouse d’un professeur de médecine d’Alger, mère de cinq enfants, fut arrêtée en même temps que sa mère âgée de 68 ans, par les gardes mobiles du colonel Debrosse. Elle était accusée d’avoir hébergé des réunions de l’état-major de l’OAS. Pour la faire parler, gendarmes et policiers utilisèrent les méthodes les plus effroyables. De l’humiliation aux coups jusqu’au supplice de la baignoire avec électrodes. Dénudée, garrottée, cravachée, la pauvre femme a vécu l’enfer pendant plusieurs semaines avant d’être finalement relâchée, sans poursuite, et transférée moribonde dans une clinique où les médecins constatèrent l’horreur des sévices. Une autre femme, confrontée aux mêmes tortionnaires, tenta de se suicider en s’ouvrant les veines pour abréger ses souffrances. Découverte baignant dans son sang, elle aussi fut transportée, le visage tuméfié, le corps meurtri, dans un hôpital. Une femme encore, mais militaire celle-là, une ancienne d’Indochine, le capitaine Noëlle Luchetti, de l’entourage de Salan, a connu les mêmes souffrances.
À la caserne des Tagarins, les suspects étaient suspendus par les jambes ou les mains à des anneaux scellés au plafond. Ils avaient parfois les pieds grillés au chalumeau ou étaient empalés sur des bouteilles. Ils passaient la nuit sur des lits de camp, enchaînés dans la position d’écartelé. Il n’y avait pas de barreaux aux fenêtres et c’étaient des individus dangereux, dira, plus tard, pour se justifier le colonel Debrosse, promu général et sous-directeur de la gendarmerie, au procès de Yan Ziano, autre victime des tortionnaires de la caserne des Tagarins. Ziano, 40 ans, venait d’expliquer son calvaire au tribunal : « Ça a duré quatre heures… J’ai été suspendu, à la façon vietnamienne, recroquevillé, un bâton sur les genoux. On m’a mis des électrodes aux oreilles, au cœur, à l’anus. On m’a empalé. On voulait me faire dire où était le général Salan. » Les experts confirmeront les sévices constatés sur le corps de Ziano : « Des ecchymoses lui couvraient tout le corps. Il en avait de plus profondes aux poignets et sur les membres ; des plaies saignantes. En outre, il présentait deux lésions. L’une génito-rectale et l’autre dans la charnière dorso-lombaire. »

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