Le mensonge rationaliste

Sans doute la raison critique devait-elle desserrer le carcan du scolasticisme mais les succès scientifiques ont suscité la présomption de la raison. Les écoles positivistes, scientistes et rationalistes ont inculqué une vision dichotomique entre foi et raison. Elles ont voulu ne voir que l’irrationalité de l’une et fermer les yeux sur les limites de l’autre. Il y a toute une anthologie de louanges sur le culte de la Raison qui libérerait et pacifierait l’humanité. Pour les anticatholique, antireligieux, laïcards et athéistes : « la science et la foi sont incompatibles ! ». Pourtant, depuis des siècles, ce sont ses croyants et notamment en Europe des hommes d’Église qui ont fait avancer la science. Quelques noms illustres depuis le XVIIe siècle : Gerbert s’Aurillac, mathématicien ; Guillaume de Conches, astronome ; Hildegarde de Bingen, médecine ; Fibonacci- Leonardo de Pise , mathématicien ; Albert Le Grand, expert en botanique et zoologie ; Roger Bacon, optique ; Nicolas Oresme, géométrie ; Leonard de Vinci, scientifique et inventeur ; Nicolas Kopernik, astronome ; Johannes Kepler, astronome ; Mario Mersenne, mathématicien ; Anastasius Kircher, savant pluridisciplinaire, Francesco Grimaldi physicien de l’optique, Jean-Felix Picard, astronome et géodésiste ; Ferdinand Verbiest, astronome et mathématicien ; Niels Stensen, géologue et anatomiste ; Nicolas Malebranche, physicien optique ; Ruder Josip Boskovic, astronome et physicien ; Antoine laurent de Lavoisier, chimiste ; Alessandro Volta, Georges Cuvier, anatomiste et paléontologue ; André-Marie Ampère, physicien ; René-Théophile Laennec, médecin, inventeur du stéthoscope ; Augustin Louis Cauchy, mathématicien ; Gregor Mendel, généticien ; Louis Pasteur, biologiste et chimiste… Cette énumération ne devrait pas être nécessaire alors que l’Europe a été entièrement christianisée et que tant d’autres chrétiens ont contribué au développement de la pensée. Mais ailleurs dans le monde, des savants perses, indiens et chinois ont démontré la capacité à concilier foi et raison. Si des croyances peuvent inhiber la raison, l’incroyance ne garantie pas plus de performance dans l’usage de la raison.
C’est sur cette formidable présomption mais aussi ce mensonge que s’est engagé le formidable bouleversement qui précipita la révolution et continue de nourrir l’idée progressiste.
Il y a au départ l’ignorance des ressorts de l’entendement.

L’héritage ontologique
Le cerveau humain n’est pas conçu pour produire une pensée rationnelle sur le monde, c’est le grand malentendu, l’erreur d’entendement, celui de l’opinion. Il s’en approche avec l'apprentissage d'une discipline notamment sur des aspects particuliers de la réalité mais temporairement et inégalement, son usage est généralement déficient. Ce n’est pas l’effet d’un défaut de conception mais le résultat des processus qui ont conduit à son développement.
Le cerveau des hominidés comme tout organe ou fonction biologique résulte d’une innovation retenue par l’évolution pour le gain apporté à la survie de l’espèce. Sa nature et sa structure ne sont pas optimisées pour le raisonnement parce que celui-ci n’est pas essentiel mais complémentaire dans les conditions qui ont validé son développement. Sa perception de la réalité est celle d’une espèce adaptée à l’environnement qui a validé son évolution, elle est incomplète et spécialisée. Le cerveau humain conserve les fonctions antérieures et primordiales qui ont fait leurs preuves au cours du temps. La fonction logique n’offre pas de fiabilité collective pour l’espèce ni de capacité décisionnelle pour l’individu, elle dépend des ressorts les plus archaïques de son hôte. Son champ d’application est celui de la résolution de problèmes pratiques, dans tous les autres domaines, elle n’est qu’un outil. Elle peut faire face au péril ou l’envisager sans décider de l’éviter, elle peut contempler un plaisir sans en éprouver le désir, elle ne peut décider entre deux alternatives sans l’avis des autres facultés. Son aptitude conceptuelle peut envisager son autodestruction et la destruction du groupe, elle peut imaginer une surréalité et agir comme si elle existait. Dès lors, la revendication d’une pensée rationnelle n’est jamais exempte d’erreurs, d’ambiguïtés et de biais. Les émotions et tensions sous-jacentes irriguent le raisonnement et lui donne un sens. L’ignorance ou le déni de ces ressorts cachés est à l’origine de malentendus et parfois de tragédies. Plus la nature de la question engage des enjeux personnels et collectifs, plus la raison est instrumentalisée. La même réalité est perçue différemment et les pensées qu’elle suscite sont les projections d’un cinéma intérieur dans lequel la raison sert de caution.

Une présomption tragique
Depuis le prétendu règne de la raison, jamais l’humanité n’a été plus dévastée. Les crimes et les délires de la Révolution se sont propagés à la terre entière, des millions de gens l’on payé de leurs vies. Après plus d’un siècle de fureur meurtrière, l’utopie messiano-gnostique habite toujours les consciences et son processus destructeur est toujours à l’œuvre.
Malgré les développements économiques et techniques extraordinaires de leurs sociétés, le niveau général des Européens régresse. Le dogme humaniste sur la raison nie la nature et renie la culture, il valide toutes les déconstructions et toutes les manipulations sociales et biologiques, c'est le progressisme qui considère l’idée plus forte que la réalité, la réalité comme un avatar de la volonté, l’homme comme une pate-à-modeler. Ses certitudes ignorent les contradictions entre les cultures et les impératifs de la nature. Son raisonnement ne connait pas la règle de la réfutation selon Popper, il ne s’expose pas à l’évaluation. S’il se revendique de la science, il s’affranchit de sa rigueur dans les domaines politique et social. Son idéologie promet un monde meilleur aux conditions de la soumission. Après la terreur révolutionnaire, le nazisme et le communisme, le progressisme porte une nouvelle tentation totalitaire. La connivence du capitalisme mondialiste a donné à ses partisans les leviers d’influence et les moyens technologiques pour détourner la volonté des peuples. Ils ont fait de l’école « la fabrique du crétin » pour inhiber le développement d’une sagesse pour rendre les citoyens réceptifs aux faiseurs d’opinions. Le débat public est réduit une joute rhétorique sur la morale et les sentiments. Chacun revendique son hédonisme tout en voulant changer l’autre et le monde, à défaut de se changer lui-même.
Non seulement la raison est en elle-même incapable de percevoir le réel en totalité mais elle contribue à sa propre régression pour refuser de percevoir ses liens avec la nature et la culture. Tout à la fois justifiant l’utopie et légitimant l’aliénation, elle a consenti à l'irruption massive de populations étrangères à ses catégories de la raison et de la morale et étendu le marché du divertissement plongeant les populations dans une agitation consumériste fébrile et superficielle. Et plus encore, sous son règne se diffusent les croyances les plus irrationnelles et les comportements les plus toxiques. Le principe relativiste qui a fait de la tolérance une vertu républicaine légitime toutes les régressions civilisationnelles. Le rejet du catholicisme qui prônait la tempérance a libéré tous les appétits. Au prétexte de lutter contre « l’opium du peuple », on a livré le peuple à toutes les drogues et toutes les aliénations. Resté obsessivement hostile au christianisme, le progressisme laïque est aveugle aux obscurantismes qui menacent de l’anéantir. Son déni sur l’islam illustre tragiquement son incapacité au discernement.
De l’héritage de la sagesse grecque qui sous-tend la culture européenne, les modernes n’ont retenu que la célébration de la raison en oubliant qu’elle s’incarnait dans une culture et une nature, ils n’ont pas compris que la mythologie antique mettait en scène les passions pour les dompter. L’Européen privé de sa sagesse et de sa spiritualité est un homme diminué.

L’intelligence au cœur
La pensée européenne issue des Lumières place l'intelligence dans le cerveau, les sentiments dans le cœur et tout ce qui relève des instincts dans le ventre, elle n’a plus de place pour la spiritualité. Anthropologiquement, c'est une catastrophe. En plaçant le sentiment dans le cœur, celui-ci irrigue/affecte tout le corps or le sentiment vient d'un consensus/conditionnement collectif. En se laissant irrigué/possédé par le sentiment, l’Européen est aliéné et son humanité est incomplète. Au contraire, la sagesse place l'intelligence, la volonté et la mémoire dans le cœur qui en irrigue tout le corps. La sagesse/spiritualité trouve sa place dans la tête tandis que les instincts, les énergies, les sentiments sont dans les tripes mais irriguées par l’intelligence, la volonté et la mémoire ! L’homme est dans la vérité et la liberté lorsque sa spiritualité et son animalité sont irriguées par l'intelligence, la volonté et la mémoire.
Comme il a été mis en évidence l’influence de la flore intestinale sur le comportement, les battements du cœur influence la psychologie.

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